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situation 7

Sur le coup ça m’a dégouté, ce gros con qui voulait me rouler une pelle. J’avais pas mal bu. C’était ma première boum. C’était la première fois que mon père avais dit oui. Sauveur avait su y faire. Sauveur sait toujours y faire quand il s’agit d’embrouiller les gens. Il avait dit à mon vieux qu’on écouterait le match Strasbourg –Mulhouse à la radio et qu’on fêterait l’anniversaire de Renald Muller en buvant quelques bières. Pas de quoi fouetter un chat. Le Racing disputait pour la première fois la finale de la coupe des villes de foires et y’avait comme une euphorie générale. Mon vieux avait dit oui. D’habitude c‘était toujours non. Non, j’étais trop jeune, non, ça finissait trop tard, non il y aurait trop de monde. Du coup cette année-là j’avais tout raté et j’en pouvais plus d’entendre les copains raconter leurs exploits au bahut. Fons qui sortait depuis deux mois avec la fille Bauman, Gros Tom qui s’était fait branler aux dix-huit ans de Karl Weiss, Sauveur évidemment qui se vantait d’avoir couché avec les jumelles Rheinard. Moi, j’avais jamais embrassé quelqu’un. Chez Renald c’était l’heure des slows, il faisait chaud, la musique était forte, on voyait les corps qui bougeait dans l’obscurité. J’avais les mains moites. Je ne savais pas comment m’y prendre avec les filles. Je faisais semblant de ne rien voir mais en dedans de moi c’était comme un tremblement tout le temps. Je me disais : « faut y aller maintenant, c’est le moment » mais il y avait comme une barrière, un truc qui me retenait, de la honte, quelque chose comme ça, la honte de ne pas savoir. Sauveur il était toujours là à me pousser, il me faisait boire : « ça ira tout seul après. Lâche toi, les filles elles aiment ça ». Il insistait tellement que je lui ai dit. Je lui ai dit que j’avais peur. Peur de ne pas savoir. Ce gros con a rigolé et puis il m’a poussé contre le mur, m’a attrapé les couilles et il a mis sa bouche sur la mienne. J’ai voulu le repousser mais il était plus fort que moi, il a toujours été plus fort que moi et il me serrait les couilles alors je l’ai laissé faire et il a fourré sa langue dans ma bouche. Ses lèvres avaient le gout de la bière et celui du tabac. Ça m’a dégouté et j’ai bandé. Il m’a relâché, il a craché et puis il m’a dit : « maintenant tu sais sale pédé ». Depuis, y’a pas un jour ou je pense pas à cette soirée du 10 juin 1966.

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